L’inéluctable confiscation des dépôts bancaires



Dans cet article, nous allons voir pourquoi la confiscation de vos dépôts bancaires (bail-in) sera la “solution” choisie pour faire face aux faillites bancaires.

Dans un obscur document intitulé From Bail-Out to Bail-In — Mandatory Debt Restructuring of Systemic Financial Institutions“, le FMI explique pourquoi les banques devront être sauvées par les déposants plutôt que les Etats.
Evidemment, cela est présenté comme une “avancée”, à savoir que les contribuables ne seront plus sollicités, mais uniquement les déposants de la banque…
Comme il y a plus de déposants que de contribuables, c’est en réalité une façon de faire porter la charge à plus de monde, et surtout cela évite de poser la vraie question : pourquoi devrait-on sauver les banques ?

Il existe 3 grands risques d’effondrement systémique identifiés par le FMI (la liste est non exhaustive) :

1. Le risque de contrepartie
Les grandes banques sont toutes interconnectées, notamment via les produits dérivés, où la solvabilité de chaque banque est assurée en quelque sorte par une autre banque…
En théorie, le risque est assuré, mais en réalité, si un des maillons de la chaîne (le plus faible) rompt, alors toute la chaîne rompt.
C’est ce qui a commencé à se passer en 2008 suite à la faillite de Lehman Brothers… La chute des dominos n’ayant été stoppée que par les sauvetages des Etats et des banques centrales (bail-out), in fine financée par les contribuables, leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Cela a augmenté considérablement la dette des nations, dont la France, merci Sarkozy.

2. Le risque de liquidité
Etant surendettés et ayant un déficit de fonctionnement structurel, les Etats ont constamment besoin de liquidité, ne serait-ce que pour payer les factures courantes (salaires, retraites, sécu, etc.).
Les banques françaises, utilisant des effets de levier supérieurs à 20, ont également besoin du marché interbancaire pour continuer à fonctionner normalement, notamment lorsqu’elles subissent des pertes importantes, comme sur les obligations grecques.
Si elles devaient vendre des actifs dans l’urgence, cela créerait un krach systémique, qui mettrait à terre banques, compagnies d’assurances, et Etats.
Or en 2009, les banques, ne sachant pas quelle était l’ampleur des pertes sur les subprime de leurs consoeurs, ont arrêté de se prêter de l’argent entre elles, asséchant toute liquidité. Encore une fois, ce sont les banques centrales qui ont dû les sauver, en créant de la liquidité ex nihilo, ce qui revient à détruire la valeur de la monnaie et donc l’épargne des épargnants.

3. Le risque de contagion
Avec un tel jeu de dominos, il suffit qu’un domino tombe pour entraîner tous les autres.
Cela a été le cas en 2008 lors de la faillite de Lehman Brothers, mais aussi lors de la crise grecque, qui, sans le sauvetage de l’Union européenne et de la BCE, aurait fait chuter une grande banque française ou allemande…
Le sauvetage grec ne visait nullement à sauver la population grecque mais bien les banques françaises et allemandes, et surtout le système bancaire international.

Le bail-out (sauvetage des banques par les contribuables)
Lorsque vous déposez de l’argent sur votre compte en banque, par exemple 1.000 euros, cela crée un passif de 1.000 euros pour la banque, car celle-ci vous “promet” de vous rendre cet argent lorsque vous le demanderez (N.B : les promesses n’engagent que ceux qui y croient).
Avec ces 1.000 euros, la banque va pouvoir acheter des actifs, par exemple 900 euros d’obligations françaises, et 100 euros d’obligations grecques car celles-ci offrent un meilleur rendement…
Aujourd’hui, les banques françaises ont un ratio de capitaux propres d’environ 3%, cela dépend des banques évidemment. Dans notre exemple, cela voudrait dire que la banque dispose de 30 euros de fonds propres.

Donc voici ce que nous aurions :

Mais voici que la Grèce est en faillite, et donc ses obligations ne valent plus rien. Voici alors la situation :

Tout d’un coup, il manque 100 euros, la banque est en faillite, ses fonds propres sont insuffisants pour combler ses pertes…
C’est là que sont intervenus les Etats pour sauver les banques, ce qu’on appelle le bail-out, notamment en 2008 pour Lehman Brothers (mais aussi lors de la faillite du Crédit Lyonnais).
C’est pour cela que l’Union européenne et la BCE voulaient tant aider la Grèce, pour éviter la faillite des banques françaises et allemandes. Cela a permis aux obligations grecques de décoter de 50% seulement, et donc de minimiser les pertes des banques…

Le problème du bail-out
Mais avec des dettes immenses, proches de 100% du PIB, ce type de sauvetage coûte extrêmement cher aux Etats, et surtout, ceux ci n’ont pas la capacité financière pour sauver ne serait-ce qu’une seule grosse banque (trop grosse pour faire faillite), et encore moins tout le système bancaire…
Une solution, serait de laisser la banque faire faillite et que l’Etat garantisse uniquement les dépôts… mais comme ce sont les banques qui gouvernent, c’est hors de question.
L’autre solution à la Crédit Lyonnais, c’est de créer une bad bank, qui rachète les obligations grecques 100, ce qui permet de sauver le Crédit Lyonnais, et cette bad bank est ensuite chargée de vendre les obligations grecques…

La solution du bail-in (sauvetage des banques par les déposants)
C’est là que le bail-in intervient.
Jusqu’à présent, vos dépôts étaient sacrés, sous peine notamment d’un bank run, et d’une accélération de la faillite bancaire.
Mais la situation étant critique, voici la solution préconisée par le FMI, et rendue légale par les instances européennes :


Il suffit de confisquer les dépôts bancaires !
Dans notre exemple, il suffit de confisquer 100 euros sur vos 1 000 euros et le tour est joué, la banque est de nouveau solvable !
Bien pensé, n’est-ce pas ?

Les (nombreux) avantages du bail-in
- Les Etats n’ont pas besoin de sortir 1 centime pour sauver la banque !
- La banque est sauvée, et évite donc l’effet de contagion et de domino avec les autres banques !
- La banque n’a pas besoin de vendre d’obligations françaises, ni d’autres actifs, qui entraînerait un krach systémique.
- Elle peut continuer de fonctionner.
- Elle continue à distribuer de généreux bonus à ses dirigeants et ses traders.
- Il suffit de changer une simple variable informatique (le pourcentage de dépôts confisqués), pour sauver la banque quel que soit le montant de ses pertes.
- Le système de Ponzi peut continuer comme avant.
Bref, que d’avantages, au détriment des déposants.
Et l’Europe a légalisé les bail-in, empêchant tout déposant de demander justice et réparation…
Avec de tels avantages, soyez sûr que la prochaine faillite bancaire sera réglée par une confiscation de vos dépôts bancaires.
Dites vous bien que la loi dit désormais que vos dépôts bancaires sont un prêt à la banque, qui en contrepartie, ne vous offre qu’une promesse de vous les rendre, si elle le peut… Si elle ne peut pas, tant pis pour vous : NUL N’EST CENSE IGNORER LA LOI.

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A lire en complément :
La puissance de feu des lobbies financiers à Bruxelles

Le think tank européen Corporate Europe Observatory a publié récemment un rapport – “The fire power of the Financial Lobby”- essayant de quantifier le poids des lobbies financiers à Bruxelles. Sa lecture est édifiante et interroge à la veille des élections européennes sur le contrôle démocratique de la finance. Les auteurs du rapport précisent la méthodologie employée et les obstacles à la collecte exhaustive de l’information auxquels ils ont été confrontés. L’enregistrement sur le registre de transparence des organismes agissant comme lobbyistes n’étant pas obligatoire mais volontaire, le recensement est compliqué et nécessairement incomplet.

Pourtant les forces en présence sont déjà impressionnantes : la finance emploie 1.700 lobbyistes et dépense plus de 120 millions d’euros par an pour peser sur le processus d’élaboration des législations financières… Les chiffres présentés dans le rapport sont d’après les auteurs les plus “conservateurs” et donc sous-estiment la “puissance de feu” réelle du lobby financier. Cette influence se retrouve à toutes les étapes du processus législatif (Commission, Parlement européen) mais affecte aussi les organes consultatifs officiels et autres groupes d’experts (Derivative Expert Group ou European Securities Market Group, etc.), dans lesquels leur présence est tout à fait dominante voire exclusive.

La pression est telle que le commissaire européen Michel Barnier a estimé nécessaire en décembre dernier de demander formellement à tous les employés de la DG “Marché intérieur et services” de ne plus rencontrer les lobbyistes de la banque et de la finance. Cette initiative en dit plus long que bien des discours…

Cette quantification de la capture des régulateurs, qui frappe déjà les esprits, n’est malheureusement que la face émergée de l’iceberg, comme l’explique le récent ouvrage de C. Chavagneux et T. Philipponnat, La Capture. Ils montrent que si l’action des lobbies est aussi efficace, c’est qu’au-delà des ressources humaines et financières considérables que ceux-ci engagent, ils trouvent bien souvent un terrain idéologique qui légitime leur position et entrave l’élan réformateur des politiques.

Les mécanismes d’influence revêtent des spécificités nationales et ne passent pas uniquement par des canaux formels et quantifiables.
En Allemagne, la capture est essentiellement politique du fait de la grande proximité entre les élus et les banques locales, en Grande-Bretagne elle est intellectuelle et commerciale, en France, plus insidieuse, passant par la consanguinité massive entre la haute administration et les dirigeants de nos grandes banques que l’on nomme pudiquement le pantouflage.

Ou quand l’intérêt individuel bien compris – un avenir confortable dans l’industrie qu’on contrôle ou dont on élabore le cadre d’activité – se heurte à la défense de l’intérêt général…

Face à ce déséquilibre des forces entre des lobbies financiers hyper-puissants et une société civile qui peine à faire entendre sa voix et ses intérêts sur les questions de régulation financière, il est essentiel que le prochain Parlement européen encadre plus strictement l’action des lobbies et promeuve un cadre contraignant de gestion des conflits d’intérêt. Sur ces deux dossiers, la simple contrainte à une plus grande transparence serait déjà une belle avancée.

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