Les collectivités locales s'endetteront-elles pour compenser la rigueur?


Faute de dotations de l'Etat, les collectivités locales vont-elles recourir à la dette pour continuer à investir ? Moody's le redoute. Une crainte justifiée ?

François Hollande a confirmé vouloir aller vite sur la réforme des collectivités locales. 

François Hollande l'a réaffirmé dans son allocution télévisée de lundi 26 mai. Il veut avancer vite sur la réforme des collectivités locales. Elle sera  présentée "dès la semaine prochaine" a-t-il annoncé. Les grandes lignes avaient déjà été avancées: diminution de moitié du nombre de régions métropolitaines, suppression du Conseil général et renforcement des intercommunalités. 

Avec en ligne de mire la réalisation d'économies d'échelle qui s'accompagnent d'une diminution des dotations de l'Etat aux collectivités locales de 11 milliards d'ici 2017, soit une réduction de près de 25% par rapport à leur niveau actuel.

Dans la loi de finances pour 2014, le gouvernement français avait déjà annoncé une baisse des dotations pour cette année de 1,5 milliard. Pour rappel, le budget des collectivités locales s'élève à environ 240 milliards d'euros et se décompose de la façon suivante: 60% pour le bloc communal (communes, intercommunalités), 29% pour les départements et 11% pour les régions.
Haro sur l'investissement ? 

Cette disette budgétaire va-t-elle pousser les collectivités locales à recourir davantage à l'endettement pour financer leurs investissements ? C'est l'inquiétude de l'agence de notation

Moody's qui rappelle que l'Etat n'assure en France que 30% de l'investissement public. Dans un rapport publié mardi 27 mai, elle note: "Afin de financer leurs dépenses d'investissements, les collectivités devront probablement augmenter leur endettement. Sans mesures d'économies, la dette des collectivités totaliserait 176 milliards d'euros en 2017, contre 132 milliards d'euros en 2010, soit 7,6% du PIB en 2017, contre 6,7% actuellement".

Cette crainte n'est pas partagée par René Dosière, député PS de l'Aisne, grand spécialiste de la gestion des finances publiques. "Les collectivités locales ne peuvent emprunter que pour financer des investissements. Ce à quoi il faut ajouter qu'elles ne peuvent pas rembourser d'anciennes créances en contractant de nouveaux emprunts. Sur ce plan, leur fonctionnement économique est très sain", explique-t-il.

Et de poursuivre: "La réduction des dotations peut avoir deux conséquences: une réduction des dépenses d'investissement ou une augmentation des impôts locaux. Dans un cas comme dans l'autre, il peut y avoir des répercussions sur l'économie locale. Il faut savoir, par exemple, que dans certains secteurs comme le bâtiment, le chiffre d'affaires des entreprises dépend pour un tiers, voire pour la moitié, de la commande publique."

Pour lui, il ne fait aucun doute que pour éviter un tel scénario, les économies sont à réaliser du côté des dépenses de fonctionnement. Outre les fameux doublons entre les différentes collectivités locales, René Dosière pointe "les sommes considérables dépensées dans la communication. Et c'est sans parler de la dérive des dépenses en matière de personnel où des recrutements, des avancements et des primes ont été accordés sans nécessité."

Rétablir la confiance

De son côté, Alain Lambert, président du Conseil général de l'Orne et auteur d'un rapport sur le financement des collectivités locales avec Martin Malvy, président PS de la région Midi-Pyrénées, fustige la logique de Moody's. "Les collectivités territoriales ne rencontrent pas de nouvelles difficultés, en tous les cas, pas plus que l'année dernière", expose-t-il. De plus, "l'endettement a été stable au cours de ces vingt dernières années. L'Etat ne peut pas en dire autant". 

En parallèle, il rappelle qu'elles possèdent des fonds propres, via un total de 32,4 milliards de dépôts sur leur compte au Trésor. "Cela peut contribuer à amortir la baisse des dotations et à faire en sorte qu'elles continuent à soutenir l'investissement", poursuit-il.

Pour Martin Malvy,  l'idée centrale est de rétablir "la confiance entre les collectivités territoriales et l'Etat. Trop souvent l'Etat impose de nouvelles dépenses sans que les collectivités ne soient associées à la prise de décision. Or on oublie souvent que ces dernières font partie intégrante du budget de l'Etat. Il y a bien une loi de finance pour l'Etat, une loi de finances pour le budget de la sécurité sociale, mais rien pour les collectivités locales. Nous avons donc proposé la création de contrats entre l'Etat et les collectivités. Ces dernières s'engageraient à respecter un certain volume de dépenses en cohérence avec la diminution du concours de l'Etat. Avec en prime un bonus pour celles qui respecteraient leurs engagements", commente-t-il.

Une façon d'encourager les collectivités à réaliser des économies. L'Etat, jusqu'à présent, ne peut avoir de l'influence sur les budgets des collectivités locales que par le biais des baisses des dotations. Reste à savoir si les collectivités, à défaut d'emprunter massivement, vont vouloir couper dans les dépenses de fonctionnement pour préserver l'investissement. Ou l'inverse... 



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