La justice américaine a t-elle mis en place une politique de racket des grandes banques mondiales ?


Les caisses sont vides aux USA, et la politique d’austérité ravage de nombreuses administrations, que ce soit au niveau fédéral ou régional. Le budget 2013 a  ainsi été réduit de 85 milliards de dollars afin d’éviter un « fiscal cliff » ou « falaise fiscale », c’est à dire la cessation de paiement pure et simple (ce qui c’est d’ailleurs produit entre le 1er et le 16 octobre 2013 !) du gouvernement fédéral. Cela faute d’accord sur le relèvement du plafond de la dette entre démocrates et républicains. Malgré le statut du dollar de monnaie de réserve mondiale, le Trésor est en effet obligé de racheter les obligations souveraines afin de financer les déficits astronomiques de l’état fédéral, ce qui a porté la dette publique des états-unis à 107% du PIB en 2013.

Face à cette situation problématique les administrations fédérales doivent donc se serrer la ceinture, le Pentagone a vu son budget amputé de 8% pour l’année 2013, ce qui ne va pas sans poser des problèmes de priorités vu le nombre de théâtres d’opérations où se trouve engagée l’armée américaine.

La baisse aurait ainsi été compensée, selon le secrétaire à la défense Léon Panetta, par le désengagement en Afghanistan qui aurait permis à l’armée de réduire ses effectifs avec pour objectif une baisse de 565000  à 490000 hommes d’ici 2017… On comprend donc mieux pourquoi dans ce contexte, les stratèges de Washington préfèrent avoir recours à la sous-traitance, comme c’est le cas en Syrie où les djihadistes ont été financés, entraînés et armés principalement par l’Arabie Saoudite et la Turquie, sans toutefois que cette stratégie porte ses fruits.

C’est dans ce contexte de tension budgétaire et de ses implications géostratégiques qu’il faut peut-être lire les amendes records qui tombent en série depuis quelques années sur les principales banques mondiales.

Le département de la justice est le premier initiateur de ces poursuites, il est lui-même impacté par les coupes budgétaires puisque les administrations ont vu globalement leur budget fondre de 5 % en 2013. Mais pas seulement : la « bad bank » Fanni Mae chargée par le Trésor américain de solder la catastrophe des subprimes et les emprunts toxiques, s’est également massivement tournée vers les banques à l’origine des titres « pourris » qui ont plombé son bilan afin de les faire contribuer au remboursement des sommes injectées par l’état fédéral (ce qui, en soit, est plutôt une bonne chose).

Pour comparaison, dans le scandale des crédits toxiques aux collectivités, concoctés par Dexia, l’Etat français vient de présenter un projet de loi destiné à couvrir la banque et à mettre fin aux poursuites judiciaires des municipalités, poursuites qui auraient pu lui coûter la bagatelle de 17 milliards d’euros (la banque a été nationalisée en 2012 pour lui éviter la faillite, ce qui nous a déjà coûté plus de 6 milliards d’euros…). Le tribunal de Nanterre avait en effet donné raison aux municipalités qui mettaient en avant le fait que ces emprunts « structurés » ne comportaient pas mention de TEG fixe, pourtant obligatoire.

C’est JP Morgan qui a ainsi ouvert le bal des « amendes records » aux USA. La banque américaine est tombée en 2013 pour l’affaire des subprimes, poursuivie par le département de la justice, et a acceptée de verser 13 milliards de dollars pour l’arrêt des poursuites. Mais puisqu’il y a une volonté de faire payer les banques, de la part des autorités, la JP Morgan ne fut que la première d’une longue série. Bank Of America vient d’accepter de payer 9,5 milliards pour mettre fin aux poursuites judiciaires, toujours dans le cadre des emprunts toxiques refourgués à Fanni Mae.

City Group s’en sort elle pour 968 millions de dollars.

A cela s’ajoutent déjà 8,5 milliards avancés par les dix principales banques américaines et destinées à rembourser leurs clients lésés par le scandale des saisies immobilières illégales.
Au total la somme cumulée déboursée par les banques américaines dans l’affaire des subprimes pour mettre fin aux poursuites se monterait à près de 66 milliards de dollars selon le cabinet SNL Financial. En comparaison, le sauvetage de Fanni Mae et Fanni Mac avait coûté 188 milliards au Trésor américain.

L’argent rentrant à flot sans trop de difficultés et les banques ayant pris le réflexe de payer afin d’éviter des poursuites toujours hasardeuses, le département de la justice a remis le couvert pour d’autres motifs.
Le Crédit Suisse devrait ainsi s’acquitter de 2,5 milliards de dollars pour mettre fin aux accusations et aux menaces de poursuites pénales du ministère de la justice. Il est reproché à la banque d’avoir organisé l’évasion fiscale de citoyens américains. Non seulement les dirigeants se sont empressés de dégainer leur chéquier devant les menaces de poursuites, mais ils se sont également empressés de tout mettre sur le dos de leurs employés, n’hésitant pas à balancer des noms pour se tirer d’affaire.
Les grandes banques anglaises sont également concernées par le racket géant organisé par les autorités américaines.

HSBC et Standard Chartered devront ainsi verser plus de 2,5 milliards de dollars afin de mettre fin aux poursuites et aux accusations du département de la justice. HSBC est accusée de blanchiment d’argent sale pour le compte notamment de cartels de la drogue Mexicains. Il lui est également reproché de « financer le terrorisme » au Moyen-Orient sans qu’on en sache plus sur ce sujet…

Pour Standard Chartered il s’agit de violation de l’embargo contre l’Iran. On voit ici à quel point les régimes de sanctions peuvent être rentables… Ils s’appliquent de plus en dehors de toute législation internationale et sont donc totalement inféodés aux orientations géopolitiques de Washington. Le département de la justice se mue donc ici en bras armé judiciaire de la politique impérialiste de Washington et organise le racket des institutions refusant de s’aligner sur la politique étrangère américaine.

En France c’est BNP Paribas, qui semble être la prochaine victime puisque la banque est sous la menace d’une amende de 3,5 milliards de dollars pour des allégations de contournement de sanctions économiques. Selon les premiers éléments, les transactions en question «ont été effectuées hors des Etats-Unis, depuis des pays où elles étaient légales. Mais elles l’ont été en dollars – donc ont été compensées à un moment donné sur le territoire américain –, ce qui les rend délictueuses aux yeux des Etats-Unis. » Ce qui constitue une accusation purement procédurière. Il s’agit donc bien d’une volonté délibérée de nuire de la part des autorités américaines, et de renflouer les caisses du trésor en rackettant les banques sous la menace. Loin de moi l’idée de défendre une supposé vertu ou conscience morale des établissements financiers qui ont assez montré depuis le début de la crise qu’ils étaient dirigés par des banksters dénués de tout scrupule et de tous sens moral, cependant, ce qui s’apparente à une politique de racket et de chantage systématique de la part du ministère de la justice américain relève de méthodes mafieuses.

Le procédé, très rentable, n’en est qu’à ses débuts et les banques impliquées dans la manipulation du Libor sont maintenant les prochaines sur la liste.

Après avoir été rattrapées par les autorités européennes dans le cadre du scandale de la manipulation du Libor (quand je vous disais qu’il s’agissait de banksters…) qui leur ont infligé une amende d’un peu plus de 1,7 milliards d’euros, les grandes banques internationales liées à la cotation du Libor sont maintenant sous le coup d’une action judiciaire de la part de l’agence américaine de garantie des dépôts pour le motif que la manipulation de ce taux directeur aurait fait perdre de l’argent aux banques américaines. Alors que six établissements seulement avaient été condamnés par la commission européenne (Deutsch Bank, Société Générale, RBS, JP Morgan, City Group et RP Martin), l’action en justice américaine concerne seize entités internationales, avec, à la clef, des perspectives d’amendes évidemment bien supérieures…


Le secteur bancaire risque finalement de payer très cher les facilités de refinancement qui lui ont été accordées de part et d’autre de l’Atlantique depuis 2008…

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